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lundi 20 février 2012

L’ÉTAT DE NOS RÊVES: Photo souvenir et images d’avenir…

ARTICLE PARU DANS LE MAURICIEN |  | PAR JOËL TOUSSAINT
Il y a ceux qui, après ma première contribution à la page Forum du Mauricien, m’ont demandé de préciser ce que j’entends par une « nouvelle grille de lecture » de la situation politique à Maurice. Le temps est arrivé pour qu’une telle explication ne paraisse aucunement compliquée et qu’elle soit accessible au plus grand nombre.
Quand déjà à l’époque de la dernière campagne électorale, je prédisais « L’Alliance du Souvenir » et« L’Alliance Mal-au-Cœur », nombreux étaient ceux qui estimaient qu’il n’y avait aucune voie possible hors du trio des divisionnistes associés, PTR/MMM/MSM. Ces formations sont, en effet, parvenus à draper leurs unions obscènes du manteau de la Constitution qui érige en vertu la dérogation discriminatoire fondée sur l’entretien des peurs identitaires. Certains commentateurs politiques évoquaient ainsi une « troisième voie » comme alternative à cette situation politique qui relève, en réalité, d’un monopole de ce que je nomme « Le Cartel des Gauches ».
Cette fameuse « troisième voie » n’est qu’une vue de l’esprit, adoptée avec complaisance par une intelligentsia embourgeoisée trop contente de s’y engouffrer pour taire sa couardise. Or, il ne faut pas tant de courage et encore moins de bon sens pour questionner ce système dont les contours mafieux ne sont même pas gardés sous silence. Pourquoi l’omerta, alors que les pratiques déviantes sont connues de tous ? L’achat des votes en échange de molletons, de “tempos”, de portables, de faveurs consenties pour des postes dans la fonction publique et de contrats de marché public : ne sont-ce pas là les pratiques des parrains de la Camorra, la pègre napolitaine ? Alors, trêve de balivernes.
Modèle féodal
La situation politique à Maurice est BI-POLAIRE. En effet, on se retrouve aujourd’hui avec d’un côté les CONSERVATEURS et de l’autre côté les DÉMOCRATES. Les Conservateurs sont ceux qui détiennent les privilèges issus du legs colonial ; autant ceux issus de son administration publique que ceux du protectorat financier/économique qui, avec la constitution des dynasties politiques, sont devenues avec elles et par elles, une caste dominante. Il faut l’admettre : le modèle est féodal ; le monde politique mauricien reste médiéval. De même que ceux des secteurs financiers et administratifs usent et abusent des procédures pour renforcer leurs privilèges, de même ceux des organisations politiques traditionnelles entendent introduire de nouvelles procédures pour pérenniser leur mainmise sur les structures démocratiques, quitte à les pervertir pour que leurs représentants se retrouvent encore et toujours au Parlement. Et cela, quand bien même que l’électorat refuserait de les y renvoyer !
Partant de cette équation, on réalise que la députation issue de ces alliances consanguines introduit au Parlement des tares qui viennent vicier le processus démocratique. Pourquoi, par exemple, s’étonner des transfuges quand on sait que cette consanguinité y prédispose ? Les euphémismes des cyniques ou les cris de vierges effarouchées ne sont que des expressions folkloriques qui cachent la source du mal. Ce n’est pas en jouant à l’autruche que l’on parviendra à assainir la situation politique qui n’a que trop longtemps prévalu.
C’est à partir d’une telle grille de lecture que l’on prend également la mesure de l’appel récemment lancé par Jameel Peerally pour que les jeunes manifestent pacifiquement pour s’opposer à la fois au silence qu’on leur impose qu’aux clichés qu’on leur appose. Jameel, l’homme d’image, est en passe de réaliser un portrait inédit de la société mauricienne : une image qui montre à la fois une fracture sociale et une rupture politique et en même temps une image qui exprime des rêves d’une société plus juste et équitable. Sur Facebook, la hardiesse des expressions juvéniles contraste avec le doute des pleutres et les diversions des infiltrés des partis traditionnels. Comme autrefois dans les chambres noires, on voit l’image peu à peu prendre forme dans le bain du révélateur. On y découvre des jeunes qui ne correspondent aucunement à la propagande qui veut qu’ils soient sans conscience politique, assujettis aux plaisirs éphémères des motos et autres gadgets électroniques. Paradoxalement, leur rêve à eux, c’est de s’affranchir de ce système qui a fait de leurs parents des asservis, redevables sur des générations aux puissants qui ainsi se régénèrent. Et c’est sans doute pour cela que des moins jeunes se joignent à eux pour reprendre des rêves qu’ils ont sacrifiés sur l’autel des conventions et des convenances. Le 11 septembre, les démocrates de ce pays, à divers degrés de leur jeunesse, s’exposeront à la lumière et nous serons alors fixés… sur l’état de nos rêves.

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